Triangle de Christopher Smith
Réalisé par : Christopher Smith
Avec : Melissa George, Liam Hemsworth, Rachael Carpani
Genre : Epouvante, Horreur
Date de sortie : Prochainement
Titre original : Triangle
Pays : USA
C'est avec une légère appréhension que je suis allée voir ce film durant le festival britannique. Pourquoi appréhension? Parce que je suis difficile comme public pour les films d'horreur malgré mon amour pour ce genre. Et puis, il faut bien avouer que je ne connais pas vraiment Christopher Smith. Cependant j'ai été conquise.
Avant de lire ces lignes je dois vous dire que cette critique contient quelques spoilers surtout vers la seconde moitié qui peuvent vous gâcher le film. D'ailleurs, j'en profite pour vous conseiller de ne pas regarder la bande annonce qui dévoile bien trop de choses, plus que je n'en ai dit dans ces lignes.
Le film commence par l'arrivée d'un groupe de personne aux alentours de
la trentaine sur un voilier. La petite excursion qui au départ n'était
qu'une gentille balade en pleine mer tourne au drame lorsque le voilier
est pris dans une tempête électrique provoquant le naufrage. Les
rescapés, perdus en pleine mer, au milieu de nul part, voit en un
paquebot surgissant de la brume une sorte de petit miracle, mais une
fois à bord, ils réalisent bien vite que le navire est abandonné.
Le pitch nous évoque une histoire de navire fantôme. Pas étonnant
puisque nos amis vont embarquer à bord d'un très étrange paquebot, dont
il est impossible de savoir à quel moment il a commencé à dériver tout
seul sans personne à son bord. Les cadres choisis, les décors,
l'ambiance n'est pas sans rappeler Shining, avec une esthétique de
paquebot de luxe absolument vide. Cependant le noeud de l'histoire ne
réside pas dans la mystérieuse absence de passager mais dans cette
étrange sensation de déjà-vu qu'éprouve l'héroïne sans parvenir à
savoir pourquoi, dans cet appel au secourt passé à la radio alors qu'il
n'y a aucun autre navire en vue.
Le film dissémine dès le début une étrange sensation que quelque chose
cloche. L'héroïne magnifiquement interprétée par Melissa George semble
dans un état second, comme si quelque chose de terrible l'avait frappé
ou allait la frapper. Et c'est là tout le film. Troublant, Triangle
s'engage sur un jeu de piste déconstruit, un puzzle que l'héroïne tente
de rassembler peu importe les écueils, les épreuves terribles qu'elle
devra affronter, pour en connaître la résolution plus que troublante et
pourtant tellement évidente. Le génie de Christopher Smith se résume à
nous donner des indices simples, à ne pas tenter de nous berner par des
fausses pistes, mais la fin est tellement inimaginable qu'on ne peut
démêler tout seul le puzzle.
Prenant le pari difficile de développer un scénario construit en
triangle autour de l'héroïne, sur une base de boucle temporelle,
Christopher Smith nous propose des ressorts dramatiques semblant
appartenir à une logique sans faille. Si par des moments en y
repensant, les multiples indices laissés au spectateur finissent par
provoquer des failles incompréhensible, la lisibilité du film n'en
reste pas moins excellente. Et avouons le, même si le scénario ne
parvient pas à remplir l'ambition qu'il s'était donné, la peur est
réellement au rendez-vous. Sacrifiant une logique au prix de la peur,
le réalisateur réussit son pari de nous retourner la tête tout en nous
faisant frissonner de peur.
Visuellement le film est à la fois très réussit, les plans larges en
mer qui au début sont jouissifs de plaisir parvenant très bien à
emmener le public à bord du voilier nommé Triangle, deviennent une fois
sur le paquebot vraiment effrayant par leur immensité vide. Mais le
film souffre d'un budget limité qui se voit sur les effets spéciaux
réalisés en mer, la tempête électrique n'est pas terrifiante pour les
bonnes raisons, et l'apparition du paquebot est plus inquiétante par
son manque de réalisme que l'effet voulu. Cependant les intérieurs sont
réussit. Les longs couloirs bordés de portes de cabines deviennent
rapidement un labyrinthe où notre héroïne va devoir s'y nicher pour
échapper au dangereux psychopathe résolu à exterminé tous les
passagers. L'immense salle de théâtre au restaurant vide remplissent
parfaitement leur rôle, à la fois rassurant par leur présence, et
absolument inquiétant lorsque le danger s'y immisce puisqu'ils
n'offrent aucun échappatoire.
Autant la lumière à l'intérieur du paquebot est sombre, propice aux
inquiétudes des malheureux invités, promettant par des jeux de cadre et
de lumière des zones d'ombres où n'importe qui pourrait s'y cacher,
puisque les occupants ne sont pas aussi seuls qu'ils ne le pensent,
autant la lumière blanche très forte en extérieur devient une arme se
retournant contre l'héroïne puisqu'elle n'offre aucun lieux pour se
cacher. Tout y sera révéler même les pires atrocités.
Après nous avoir proposé une histoire de navire fantôme, le film tourne
rapidement en slasher traditionnel. Un curieux invité masqué attendait
nos jeunes gens, sac en toile épaisse sur la tête, combinaison bleue,
et fusil de chasse à la main. Le psychopathe à bord est bien décidé à
exterminer tout le monde à bord. Et puis au fur et à mesure, on
découvre le véritable problème, pourquoi Jessica, l'héroïne, a sans
cesse cette impression de déjà-vu, pourquoi le psychopathe hésite avant
de tenter de la tuer de sorte qu'elle puisse lui échapper à plusieurs
reprises, car le film n'est qu'une immense boucle temporelle qui
justifie qu'une séquence éprouvante et terrifiante se répète jusqu'à
trouver son ultime conclusion. Ultime, pas certain, puisque le film
comporte de nombreux rebondissements, dans lesquels Jessica ne cherche
pas seulement à rassembler les pièces du puzzle pour comprendre, mais
surtout à sortir de la boucle temporelle, qui sont loin de nous laisser
de marbre. Etrange, terrifiant et totalement troublant, Triangle est un
film qui s'apparente à un scénario complexe à tiroirs mais pas
vraiment. Car Christopher Smith nous raconte au final une histoire très
simple. Celle d'une mère, embarqué malgré elle dans un tourbillon
macabre et sadique.
Au cours des épreuves qu'affronte l'héroïne, on se surprend à se
demander si l'héroïne mérite vraiment de vivre, si finalement elle
n'est pas totalement folle, puisque le réalisateur se complet à la
faire vivre un véritable tourment, une épreuve de force dont elle sort
vainqueur mais pour quel résultat? Loin de sauver son enfant malade,
elle devient une froide tueuse prête à tout, et si finalement le film
ne parlait pas d'un massacre, d'un navire fantôme ou des dangers de la
navigation en pleine mer mais tout simplement de ce qu'est prêt à
endurer une mère pour retrouver son enfant malade qui a besoin d'elle?
Car si Jessica s'échine à accepter toute les épreuves y compris se tuer
froidement à coup de masse, ce n'est que par un terrible et puissant
sentiment de culpabilité dont on ne découvrira la source que dans un
final délicieusement pervers et pourtant si évident à comprendre.